
Titre : Bonne nuit, Maman
Autrice : Seo Mi-Ae
Traducteurs : Jihyun Kwon et Rémi Delma
Saga : Ha-Yeong
Numéro de tome : 1
Maison d’édition : Le livre de Poche
Genre : Thriller
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Alex, c’est une super copine. Elle est drôle, elle est belle, elle est talentueuse et elle fait des podcasts parlant de Corée. Et elle m’a dit qu’il y avait cette autrice coréenne, Mi-Ae Seo qui fait des thrillers vraiment particuliers. Évidement que je me suis procuré les trois livres de cette femme, qu’on en fera un épisode de podcast et que ce sera génial !
J’ai commencé par la saga Ha-Yeong parce que, il y a une histoire de tueur en série, que cela faisait longtemps que je n’en avais pas lu… C’était le moment, comme on dit. Me voilà donc partie pour lire joyeusement, Bonne nuit Maman. Nous, on suit Seon-Kyeong qui est criminologue. Elle obtient une série d’interviews avec un serial Killer. Dans le même temps, elle apprend que son mari a une fille d’un précédent mariage et, comme elle est devenue orpheline, et bien, elle va devoir accueillir l’enfant qui a l’air un peu inquiétante quand même
Je sais ce que vous allez me dire : une allusion à Hannibal Lecter et hop, on est partis et on déroule les thèmes. Et bien non. Bonne nuit Maman n’est pas un roman parlant de Serial Killer (si un petit peu quand même) mais c’est surtout un roman féministe qui va pointer du doigt tout ce qui ne va pas en Corée. Et pour nous, cela va nous permettre de découvrir cette société que nous ne faisons qu’entre voir au travers des dramas coréens. Alors, accrochez vous à vos poignards en plastique, parce que promis, à la fin, on parlera un peu d’Hannibal Lecter.
Bonne nuit Maman, cela parle avant tout de la société coréenne car, ce qu’il faut savoir, c’est que dans cette société, la famille en est le coeur. Les Coréens ont des attentes très élevées sur le modèle familial mais surtout par rapport au rôle de mère. La pression y est dingue et on le voit de suite par rapport au personnage de Seon-Kyeong. Dès que son mari ramène cette enfant, la question ne se pose pas : Seon-Kyeong va prendre en charge cette petite fille : elle la lave, la nourrit, l’habille, l’inscrit à l’école et gère tout le matériel. Son mari joue un peu avec la gamine mais, vous comprenez, il a un métier important. Jamais personne ne pense à lui reprocher le fait qu’il n’ait jamais prévenu sa femme actuelle qu’il avait un enfant. Jamais une personne de l’extérieur ne va le contacter au sujet de sa fille. Tout est pris en compte par notre héroïne qui n’a aucune expérience. Personne ne va l’aider non plus. Par contre, dès qu’elle fait quelque chose de “travers”, tout retombe sur elle. Jamais on ne prend en compte que Seon-Kyeong est en train de vivre un moment très intense professionnellement et que son travail, le fait d’interviewer un serial killer, va l’affecter émotionnellement.
Cela va même plus loin. On sent que cette petite fille a vécu des traumas. Et pourtant, son père fait tout pour qu’elle ne soit pas suivie psychologiquement. Tant que la gamine paraît équilibrée, tout va bien. Si elle ne l’est pas, c’est sûrement de la faute des réactions de Seon-Kyeong. Et l’école de Ha-Yeong va alerter Seon-Kyeong mais ne va jamais alerter les services sociaux. On sait qu’en France, les comportements de la gamine feront de suite l’objet d’un signalement aux services sociaux, permettant ainsi un soutien pour la famille. De même, on a ainsi un véritable tabou autours de la violence et des comportements antisociaux. Ce qui est logique quand on observe ce schéma puisque si tout le monde doit être cantonné à un rôle : de mère, de père, d’enfant ou autre, le fait qu’une personne commette des crimes, ce n’est pas normal. En pointant cela, l’autrice critique indirectement l’idée que l’apparence d’harmonie va prévaloir sur la vérité. Et cela conduira à l’histoire du Serial Killer mais aussi au développement de Ha-Yeong.
Et, comme toute cette société oscille entre traditions et individualisme, on sent que les personnages sont très seuls. Par exemple, je suis incapable de vous dire si les parents de Seon-Kyeong sont vivants ou morts. Et on ne sait pas non plus si la famille du mari de Seon-Kyeong est vivante ou morte. Pareil, ne me demandez pas le nom du mari car on ne ressent que son ombre en fait. Il rentre le soir pour donner des reproches à sa femme, minimiser toutes ses frayeurs et sous entendre que tout est de sa faute et il se casse. On ressent fortement l’isolement social de cette femme et de sa belle fille. De même, on sent que la famille n’est pas un refuge dans cette société mais plus une prison. Quand on regarde Ha-Yeong et Seon-Kyeong, on sent que, toutes les deux, elles pourraient franchir le pas et se rapprocher mais le carcan de leur famille ne leur permette pas de le faire.
Qu’est ce que ce roman nous dit de la famille coréenne ? Et bien une tonne de choses. La famille, comme je le disais plus tôt n’est pas un refuge mais bien un endroit où on va garder les secrets pour protéger à tout prix une image de normalité. Ha-Yeong présente des traumas et des comportements un peu bizarres. Seon-Kyeong, elle voudrait l’aider en l’emmenant faire un suivi psychologique, ce que son mari refuse catégoriquement. L’école va en ce sens du moment que Ha-Yeong donne une apparence de normalité. Et cela, ça va rendre les problèmes individuels plus profonds et surtout plus difficiles à guérir. Et d’ailleurs, on n’y pense même pas puisque c’est l’ensemble de la famille qui doit rouler. Cela nous amène aussi aux poids des attentes sociales : Seon-Kyeong doit devenir le modèle maternel dans ce schéma familial, au point qu’il est évident que son métier passera au second plan. Et à aucun moment, elle ne reçoit de l’aide. Enfin, dans ce roman, on sous entend grandement que la famille, à défaut d’être un refuge, devient en fait un terrain de transmission des traumatismes. En effet, le fait d’occulter les traumatismes des uns, cela les rend plus fort et ce sont les générations suivantes qui risquent d’en pâtir.
Bon, on a quand même un tueur en série, dans ce roman : Lee Byong-Do. Celui qui ne veut que Seon-Kyeong pour l’interroger et qui va évidemment tenter de lui retourner le cerveau. A quel point Bonne nuit Maman pourrait être considéré comme un Silence des Agneaux coréen ? C’est vrai, les deux protagonistes sont deux femmes qui étudient la criminologie. Sauf que Clarice Starling est une jeune stagiaire du FBI qui affronte un serial Killer malgré son inexpérience. Seon-Kyeong, elle, est une criminologue expérimentée. Elle arrive à avancer avec Lee Byong-Do mais on l’empêche d’aller au bout des choses et en plus elle est en danger dans son espace privé aussi. Quant aux deux tueurs en série, oui, ce sont tous les deux des énigmes résoudre. J’avoue que, selon moi, c’est un peu l’essence même du rôle. Ce qui est intéressant, par contre, c’est la vision de Seon-Kyeong du tueur en série. Elle dit un truc au début de l’histoire qui m’a marquée. En effet, elle donne les critères qui fait qu’on décèle si une personne peut être tueuse en série en fonction de son enfance comme martyriser de petits animaux. Je vous donne cette exemple car c’est lui qui m’a marqué car elle demande à ses élèves qui a déjà noyé une fourmilière, enlevé des pattes à une araignée, etc. Et oui, on a tous.tes plus ou moins eu la possibilité ou fait à un moment donné du mal à un animal. Ce n’est pas vraiment ces “critères” qui fait qu’une personne va devenir tueur plus tard. C’est plutôt quelque chose dans son histoire qui va faire basculer une personne du mauvais côté. Ce qui m’amène à une autre différence dans ce roman : la représentation du mal. On voit bien que dans le Silence des Agneaux, il n’y a aucune nuance. Hannibal Lecter est un personnage totalement détestable qui est un cannibale et qui assume totalement. Alors qu’avec Bonne Nuit Maman, c’est beaucoup plus nuancé. Il y a tout un passé de Lee Byong-Do qui pourrait expliquer le basculement de celui-ci et surtout, il y a ce questionnement par rapport à Ha-Yeong. Enfin, Clarice et Seon-Kyeong ne sont pas taillées du même bois et ne devront pas affronter les mêmes choses. Clarice doit affronter un traumatisme d’enfance (les agneaux), et la mort de son père. Elle veut échapper aussi à la pauvreté. C’est pour cela qu’elle se lance dans cet interview. Seon-Kyeong, elle, commence l’interview de manière totalement sereine car c’est une professionnelle aguerrie. Mais, c’est en découvrant un peu la psychée de Lee Byong-Do qu’elle se pose des questions sur sa vie personnelle, et plus précisément sur sa belle-fille et c’est cette relation professionnelle qui va la rendre plus forte dans le domaine personnelle. Ce qui la fragilisera, ce n’est pas son métier mais bien sa famille.
Je m’arrête là mais il y a tellement d’autres choses à dire sur ce roman. Choses que je développerai sûrement avec Alex. Je vous mettrai bien entendu le résultat de nos réflexions ici.
Lisez Bonne Nuit Maman qui, selon moi, de loin, surpasse Le Silence des Agneaux. C’est beaucoup plus fin psychologiquement. C’est plus glaçant aussi car les peurs sont de l’ordre de l’intime. Et sa suite, Chut, c’est un secret, est tout aussi développé. Mais on en reparlera plus tard. Bonne lecture à vous.
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