Noon du Soleil noir de L.L. Kloeter

Titre : Noon du Soleil Noir

Auteurices : L.L. Kloeter

Saga : Noon du Soleil Noir

Numéro de tome : 1

Maison d’édition : Le Bélial

Genre : Fantasy

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J’ai rendu visite à ma librairie à l’occasion d’un comité de lecture. En furetant un peu dans les rayons, je suis tombée sur un livre mis en valeur, dont la couverture représente un corbeau noir. L’illustration est de Nicolas Fructus et, si cela me disait quelque chose, c’est parce qu’il a déjà illustré un autre livre en ma possession : Gotland. Ce livre, c’est le premier tome de Noon du Soleil Noir. Il est publié chez Le Bélial par un couple d’auteurices sous le nom de plume L.L. Kloetzer, que je connais aussi car j’ai Cleer dans ma pile à lire. Comme vous le constatez, les planètes étaient alignées. Et en prime, j’avais envie d’un récit pas trop long de fantasy. Comprenez que c’est le début d’année et que j’ai besoin de lectures simples, donc pas une longue saga. C’est une duologie et, si la lecture paraît simple, il y a plein de thèmes qui en ressortent.

Dans ce roman, on suit Yors, un ancien mercenaire sans le sou qui cherche du travail en servant de guide aux nouveaux arrivants de la ville. Une caravane arrive, et parmi ses participants, il y a Noon, un sorcier qui veut s’établir en ville pour y ouvrir un commerce de magie. Simple, efficace, et à l’apparence sympathique, me direz-vous, mais parfois, sous un récit à l’apparence simple se cache une richesse insoupçonnée. Allez, je vous emmène les découvrir.

Déjà, rien que nos deux personnages peuvent soulever des questions. Yors est un mercenaire qui prétend avoir des appétences en philosophie, ce dont nous doutons tout de suite, mais j’avoue que c’est drôle. On sait qu’il est né et qu’il a grandi dans cette ville. C’est lui notre porte d’entrée dans l’univers. Et pourtant, on sait qu’il a travaillé toute sa vie, qu’il boite à cause de ses nombreuses blessures, et surtout, on devine très vite qu’il n’a pas d’endroit où dormir et qu’il n’a qu’une pièce d’argent en poche. Noon, lui, a l’air d’un jeune homme de bonne famille. Pourtant, il est toujours en décalage. Dès le premier chapitre, à l’arrivée de la caravane de Phil le Jeune, Yors nous dit qu’il attend une petite cérémonie d’arrivée, suivie des formalités. Devinez qui interrompt tout pour payer son passage en priorité ? Noon, bien entendu ! Toute leur aventure va se résumer à cela : deux personnages totalement marginaux, qui, grâce à leur marginalité, se comprennent immédiatement, deviennent des électrons libres, et s’affranchissent des avis des autres. Mais, en contrepartie, ils reçoivent peu d’aide.

Maintenant que nous avons deux personnages principaux amenés à parcourir la plus grande ville du monde connu, il nous faut un super décor, un grand terrain de jeu pour l’intrigue. Et pour cela, la fantasy en ville permet de construire un super univers. On sait que la ville est construite sur plusieurs collines et que, sur la plus grande, il y a le palais du Suzerain. Pour accéder à la ville, il y a un port qui donne sur la mer et un fleuve, ainsi qu’un accès par les terres. Noon, lui, aimerait ouvrir une boutique de sorcellerie. Pour cela, Yors lui indique qu’il faut aller voir la Guilde des Magiciens. Ils se font refouler, donc ils demandent à entrer au service du Palais du Suzerain, mais Noon change d’avis en voyant comment les magiciens y sont traités. La seule solution pour nos deux compagnons est d’aller dans le quartier des Prostituées. Ils s’y établissent et, comme Noon est un nouvel arrivant, nous avons droit à quelques promenades en ville.

La cité devient ainsi un personnage à part entière. Ce qu’on en découvre, c’est que c’est un milieu plutôt hostile. Dès le premier soir, Noon échappe de peu à une tentative de vol par le cousin de Phil le Jeune. Pour entrer en ville, il faut passer par une montagne de formalités. Pareil pour ouvrir un commerce, ce qui ne peut se faire sans l’approbation de la Guilde. Au Palais, on découvre que le Suzerain est un enfant et que la cité est dirigée par des bureaucrates. Certains quartiers sont même à l’abandon. Avec cela, on a une ville qui prend de l’ampleur et un milieu qui n’a pas l’air si accueillant. Par-dessus tout, un personnage extérieur intervient pour tenter des manipulations politiques. Cette ville ressemble à une vieille dame un peu rigide, prête à être bousculée par Yors et Noon.

Et on apprend à connaître cette ville par les déambulations de Yors et Noon. Cela s’étend sur plusieurs semaines, permettant de construire une vraie relation d’amitié entre eux. Yors, qui est né et a grandi ici, devient un guide parfait. À travers lui, on découvre les mécanismes de l’administration, la topographie des quartiers, et l’histoire de la ville. Vous pourriez penser qu’il s’agit d’une ville classique. Mais voilà, Noon l’accompagne. Dès son deuxième jour, il repère une chaîne magique souterraine qui parcourt tous les sous-sols de la cité. Cette ville ne tient littéralement que par la magie, tout en interdisant le libre commerce de celle-ci. Intéressant, non ? Mais Noon remarque aussi des gargouilles sur les bâtiments. Ces gargouilles, en réalité, sont des malédictions achetées par les habitants contre leurs voisins. Noon voit tous les liens magiques de la ville. Cela lui donne aussi une certaine spiritualité et une mémoire. Ces découvertes sont dispersées dans les chapitres, parfois à travers des quartiers, parfois à travers des rencontres avec des habitants. C’est en prenant le temps que l’on réalise que cette ville n’est pas juste un décor, mais un véritable personnage, un élément caractéristique de la fantasy urbaine.

On a donc des institutions très rigides dans une ville pleine de contradictions, avec Yors et Noon qui développent une belle complicité au fil des semaines. Ils trouvent un pied-à-terre dans le quartier des Prostituées. Que va donc donner ce commerce de magie ? Ils commencent par la clientèle la plus proche : une tenancière de bordel qui a besoin d’un contraceptif pour ses filles. Puis viennent un propriétaire d’entrepôt qui croit être poursuivi par un fantôme, un enfant dont la sœur risque d’être vendue, et une nouvelle arrivante à qui on a volé un objet. Tous ces gens vont voir Noon, alors qu’il y a des gardes, un tribunal… On est d’accord que ce n’est pas à Noon de gérer cela, non ? Qui plus est, il existe un quartier entier de magiciens. Cela montre que la justice ne fonctionne pas, puisque les habitants se tournent vers Noon pour des problèmes sans lien direct avec la magie. Cette succession de clients m’a bien fait rire, car Noon refuse souvent d’être payé. Il parle de médecine, de justice, de dettes, mais rarement de magie. Pourtant, il reste accessible à ces gens et ne prend pas parti. Parfois, Yors intervient en sous-main, à la limite de la légalité, pour résoudre les choses humainement. Par ailleurs, on découvre que la spécialité de Noon est un art mal vu : la nécromancie. Mais pour lui, ce n’est qu’un outil. Il ne se pose pas en juge face à ceux qui sollicitent ses services et leur explique que la magie crée un contrat qui les engage. Quand on peut l’éviter, il conseille de chercher une alternative. Sinon, cela peut finir en combat silencieux entre gargouilles. Ainsi, Noon et Yors ne sont pas des héros, mais des personnages avec leur propre morale et éthique.

Vous pourriez penser que cet univers est déjà bien riche et les personnages très complets. Je suis d’accord avec vous. Mais ce n’est qu’une partie émergée de l’iceberg. Pourquoi ? À cause du choix de la narration. Ce roman est écrit à la première personne, du point de vue de Yors. Par conséquent, Noon reste mystérieux : nous ne connaissons ni ses pensées ni son passé. De même, on sent qu’une grande intrigue politique se trame, mais Yors, en tant que mercenaire marginal, n’en perçoit que des fragments. Nous devrons attendre le deuxième tome pour obtenir plus d’éléments. En outre, les auteurs adaptent leur style à Yors : ses réflexions, ses préoccupations, et des phrases simples qui reflètent son appartenance aux bas-fonds. Parfois, il nous étonne par son émerveillement ou son humour. Enfin, on sent que les auteurs sont des amoureux des principes fondamentaux de la fantasy. La magie est simple et fonctionnelle, à la manière de Gandalf dans Le Seigneur des Anneaux ou de Mémé Ciredutemps dans Les Annales du Disque-Monde. Et j’avoue que j’aime beaucoup cette approche de la fantasy.

Alors, reprenons : on a un super duo, Yors et Noon, dans un univers hostile mais riche historiquement. Ce premier tome nous montre le fonctionnement de la ville et la réaction des habitants. Mais est-ce un livre de voyage ? Pas du tout ! L’intrigue s’ancre solidement, alternant entre moments de vie et épisodes d’action. On soulève des sujets sérieux, mais on rit aussi beaucoup. Et le tout est magnifiquement illustré par Nicolas Fructus. Une vraie réussite, non ? Un avant-goût, une belle préparation pour le deuxième volet. Changerons-nous de point de vue ? Allons-nous révolutionner la ville ? Tant de questions, et j’ai hâte de vous les partager.

Si vous aimez les ambiances de fantasy urbaine, voici quelques suggestions de ma part :

  • Watsburg de Cédric Ferrand.
  • La saga de la Tour de Gardede Claire Duvivier et de Guillaume Chamanadjian.
  • La saga : Les extraordinaires et fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain, détective privé de Raphaël Albert
  • La saga des dossiers Dresden de Jim Butcher.
  • La saga de la Laverie de Charles Stross.

Et vous ? Vous êtes plutôt Fantasy dans la nature ou Fantasy en ville ?

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