
Titre : L’enfant aux cailloux
Autrice : Sophie Loubière
Maison d’édition : Pocket
Genre : Thriller
Où trouver le livre ? Clique ici
Je suis abonnée à Audible et, parfois, on a la possibilité de lire des livres gratuitement. Dans cette sélection, il y avait L’enfant aux cailloux de Sophie Loubière, publié aux éditions Pocket depuis 2014. Si cela vous intéresse, sachez que la narratrice chez Audible est l’autrice elle-même, et c’est bien quelque chose que j’apprécie beaucoup. L’enfant aux cailloux, cela raconte l’histoire d’Elsa Préau, une retraitée persuadée qu’un enfant dans son voisinage est maltraité. Sauf que personne ne la croit. Cela pourrait être un roman classique d’une vieille dame qui devient un peu loufoque, mais l’autrice a réussi à faire quelque chose auquel je ne m’attendais absolument pas tout au long de mon écoute : elle m’a complètement happée dans son récit. Alors accrochez-vous, parce qu’on va décortiquer tout cela ensemble.
Elsa, on la connaît au début du roman toute petite, et on sait qu’elle n’a plus de mère car, juste avant la fin de la guerre, sa mère s’est dénoncée en tant que juive, ne supportant pas d’être passée entre les mailles du filet. Puis elle s’est mariée et a eu un fils. Elle a divorcé et est devenue institutrice. Maintenant, elle est à la retraite. Son fils est très distant avec elle, et elle s’ennuie, regardant régulièrement à la fenêtre. Ce qu’elle voit, ce sont les enfants des voisins. Deux ont l’air absolument adorables, mais le troisième semble maltraité. Une alarme tilte dans sa tête, et elle décide de mener son enquête. Or, il n’y a aucune trace de cet enfant, nulle part. Et surtout, personne ne la croit.
Tout au long de ce roman, l’autrice va jouer avec nous, sur nos perceptions. Comment savoir si Elsa a raison ou tort ? Est-ce qu’il se passe réellement quelque chose chez les voisins ou est-on en présence d’une vieille dame qui commence à glisser vers la sénilité ? Et ne comptez pas sur moi pour vous révéler cela, parce que vous changerez d’avis tout au long du roman et vous ne le saurez qu’à la toute fin.
Comment l’autrice fait-elle cela ? Eh bien, elle se concentre tout d’abord sur Elsa, dont on a le point de vue pendant toute une partie de son roman. Elsa est une femme torturée car elle a été traumatisée par le décès de sa mère, qu’elle n’a tout simplement pas compris. Elle pense qu’elle entend la voix de sa mère quand elle est petite, mais tout le monde semble l’ignorer quand elle en parle. Et cela continue quand elle vieillit : son mari décide de partir dans un autre pays pour raison professionnelle, et elle le laisse partir. Tout comme son fils, d’ailleurs. On a l’impression que son existence importune beaucoup de monde, en fait. Personne ne l’écoute vraiment tout au long du roman.
Et puis il y a son fils, Martin. On sait qu’il a un fils, Bastien, mais on ne sait pas s’il est là ou pas. Il est marié mais n’est pas plus avec sa femme. Et quand sa mère aimerait aborder des sujets importants, il la renvoie à son psy. Et nous, on se demande qui est ce petit garçon inconnu, pourquoi il prend autant d’importance dans ce récit.
Quant aux voisins, ils sont bizarres. Très énigmatiques mais qui commencent à lui parler. Mais est-ce que ce n’est pas pour endormir sa méfiance ? On ne sait pas, car le seul point de vue que l’on a, c’est celui d’Elsa.
Dans tout ce roman, on développe des thèmes assez incroyables, en fait. On sent auprès d’Elsa une grosse culpabilité. Mais on n’arrive pas bien à cerner pourquoi. Est-ce parce qu’elle a des regrets par rapport à son fils ? Ou s’est-il passé quelque chose avec son petit-fils Bastien ? Est-ce qu’elle s’en veut de ne pouvoir rien faire pour ce petit garçon ? A-t-elle des regrets sur le déroulement de sa vie ? On sent qu’il y a plein de non-dits sur cette famille et sur les ressentis d’Elsa.
Et puis Elsa, elle est seule. Elle voit son fils une fois par mois pour déjeuner, mais on sent qu’il n’est pas vraiment là. Il n’est pas dans leur conversation. Et puis, elle ne voit quasiment personne à part son psychiatre. C’est une vieille femme très seule dont les idées tournent en boucle dans sa tête. Ces idées se transforment en obsession, et on se demande très souvent si son comportement irrationnel, parfois, ce n’est pas juste parce qu’on l’ignore tout le temps ou si, tout simplement, elle commence à avoir l’esprit qui fuit. Elsa est-elle une personne très entêtée ou sombre-t-elle dans la démence sénile ? La question se pose vraiment, et je le dis en toute connaissance de cause, puisque mon grand-père a eu une démence sénile à la fin de sa vie. Pour détecter ce genre de pathologie lorsqu’on a un point de vue interne, c’est très difficile de voir la nuance. Et je trouve que l’autrice arrive très bien à retranscrire cette très légère frontière.
Enfin, le gros du roman, tout de même. On voit Elsa signaler à beaucoup de personnes : l’école, les services sociaux et même la police, la possibilité qu’un enfant puisse être maltraité. Or, cet enfant n’existe pas apparemment de manière légale. Cela montre aussi l’impuissance de l’autorité face à une situation non conventionnelle. Si un enfant n’existe pas officiellement, il n’est pas protégé par les institutions, et cela même si une personne le signale. C’est assez effrayant, car on voit bien l’impuissance de ces institutions de ne pouvoir agir, mais aussi la frustration et la détresse d’Elsa, qui a ce sentiment de ne pas être crue, de ne pas être écoutée.
Nous avons des thèmes choisis. Mais est-ce que l’autrice a réussi à tout agencer ? Autrement dit, est-ce qu’elle a bien fait son job ? Eh bien… Non, je ne vais pas vous faire lambiner plus longtemps. Elle arrive à nous donner le doute tout au long du roman, et pour cela, elle utilise la succession du point de vue d’Elsa et celui de Martin, qui doute constamment de sa mère. Avec ces deux points de vue, on est à fleur de peau tout le temps. C’est comme cela qu’elle construit sa narration, et c’est comme cela qu’elle nous a, tout simplement. Car tout le récit, elle ne nous dit pas tout et nous laisse tout à notre appréciation. Et je peux vous dire que tout au long de mon écoute, je n’ai pas arrêté de me poser des questions.
Ce roman est absolument génial. Vous passerez votre temps dans la vie d’Elsa, le temps du roman. Parfois, vous prendrez un peu de temps pour réfléchir sur l’histoire que vous lisez et vous vous surprendrez à participer un peu, ainsi, à la vie d’Elsa. Alors oui, il y a le côté thriller, parce qu’il y a ce petit garçon qu’on ne sait pas s’il existe ou pas, s’il est en danger ou pas. Et puis il y a Bastien, son petit-fils dont on ne sait pas non plus s’il existe ou pas. Et je peux vous dire que cela vous prend vraiment aux tripes. Mais il y a aussi cette énigme qui est Elsa. Qui la connaît vraiment ? Qui est-elle vraiment ? Et c’est en cela que ce roman va vous marquer. Ce n’est pas seulement un thriller, mais c’est aussi un roman qui traite de l’humain, tout simplement.
Laisser un commentaire