
Titre : L’Opéra de Shaya
Auteur : Sylvie Lainé
Maison d’édition : Actu SF
Genre : Science Fiction
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Figurez-vous qu’il y avait une promo, le printemps dernier, sur des titres de l’imaginaire. Et dedans, il y avait ce recueil de nouvelles appelé L’Opéra de Shaya, que je pensais lire cet été. Mais j’ai loupé le coche. Puis je l’ai rattrapé cet hiver alors que je me faisais une angine carabinée.
Ce recueil a été écrit par Sylvie Lainé, une autrice française reconnue de la science-fiction puisqu’elle a déjà à son actif quatre Prix Rosny aîné de la nouvelle et deux Grands Prix de l’Imaginaire. Je sais que j’ai encore dans mon escarcelle Fidèle à ton pas balancé, un autre recueil de nouvelles de sa plume, mais j’avoue ne pas avoir encore sauté le pas.
L’Opéra de Shaya est donc un recueil de quatre nouvelles qui abordent des thèmes comme l’altérité, la transformation, la symbiose et l’éthique. Allons voir cela d’un peu plus près.
L’Opéra de Shaya
Cela raconte l’histoire de So-Ann, une intermittente née sur un vaisseau, qui a du mal à se fixer. Jusqu’au jour où elle entend parler de Shaya, une planète qui agit en symbiose avec ses habitants. Elle plaque tout pour y aller et trouve le job de rêve : avoir une demeure et se balader un peu partout pour imprégner sa parcelle. Elle donne donc de sa personne, tombe même amoureuse, mais voilà, la planète lui reprend cet amour. So-Ann va-t-elle l’accepter ou alors va-t-elle réagir ?
Ce qui est frappant dans cette nouvelle, c’est que So-Ann donne tout ce qu’elle a pour s’intégrer à une société, sauf le changement physique, et elle se fait pourtant rejeter. Sur Shaya, elle apprend douloureusement qu’elle se sent acceptée uniquement parce qu’elle trouve l’amour et la symbiose. Mais quand la symbiose ne fonctionne plus, elle ne le supporte pas.
La question de cette nouvelle est, je pense : qu’est-on prêt à sacrifier au groupe pour être accepté ? Quelle réaction avoir quand on ne comprend pas les motivations des autres ? Qu’est-on prêt à sacrifier dans l’amour de l’autre ?
Grenade dans le ciel
Un groupe de scientifiques découvre que la lune d’une planète est en fait une boule issue d’une technologie perdue qui absorbe les rêves mais aussi les peurs des gens. Ils sont heureux, mais ils n’évoluent plus.
Doit-on ressentir de la peur pour évoluer ? Et au vu de la réaction des scientifiques face à cette technologie qu’ils ne contrôlent pas, ne serait-ce pas un miroir de notre dépendance aux nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, par exemple ? Cette nouvelle questionne notre rapport à la technologie, comment on l’appréhende et surtout comment on l’utilise.
Petits arrangements intergalactiques
Un humain s’écrase sur une planète, et la seule chose comestible ici est un parasite que l’on peut recueillir sur l’anus des animaux. C’est répugnant, mais en même temps très nourrissant. Notre héros décide de garder pour lui sa manière de se nourrir.
C’est extrêmement drôle, un peu « Ce qui se passe sur cette planète reste sur cette planète », ce qui donne un petit côté honteux à cette alimentation. Mais on parle surtout d’adaptation et de symbiose, car ces parasites nuisent à ces mammifères dont on ne sait même pas s’ils sont comestibles, juste potentiellement dangereux car volumineux.
La question ici est morale. La première est la plus évidente : jusqu’où est-on prêt à aller pour survivre ? Et la deuxième : ne devrait-on pas bousculer un peu nos habitudes alimentaires pour le bien d’un écosystème ?
Un amour de sable
Sur une planète, des scientifiques découvrent un sable très particulier. Ils en prennent un bac pour faire des tests et voient que le sable réagit au contact des humains. Ils font des expériences, reversent le sable sur la planète et partent.
Nous, on a l’analyse du sable, qui est en fait un ensemble conscient de la nature humaine. Cela montre l’incapacité des humains à comprendre ce qui leur est inconnu. Qui est vraiment l’entité la plus évoluée ?
Mon avis
Vous avez maintenant des indices sur ce qui compose ce recueil de nouvelles. Mais quel impact a l’écriture de Sylvie Lainé sur nous ?
On peut voir qu’elle parle de technologies en rapport avec l’humain. Et pourtant, son écriture est très immersive, voire parfois poétique. La technologie, ici, fait partie du quotidien. Elle n’est pas spectaculaire, elle est juste là.
Cela nous permet, par exemple, de laisser nos imaginations travailler et de nous représenter les choses de manière plus tangible, je trouve. Ce sont des nouvelles qui ne vieilliront pas, car elles traitent directement de la nature humaine.
Cela nous donne non pas de la hard SF, mais plutôt une science-fiction humaniste. Les technologies restent un prétexte pour mieux explorer notre humanité.
À chaque thème proposé, on pourrait croire que l’autrice va aborder un sujet déjà archi-traité, mais elle dévie toujours avec finesse. Soit avec de l’humour, soit avec de l’honneur, elle nous emmène ailleurs et nous pousse à nous regarder dans le miroir.
Quand on regarde ce recueil, chaque nouvelle nous pousse à nous poser des questions éthiques ou philosophiques, mais jamais Sylvie Lainé ne nous impose de réponses. Elle nous laisse faire ce chemin seuls.
Et pour cela, elle choisit de marquer nos esprits en nous faisant rire ou en nous mettant mal à l’aise. C’est très fin, car on ne sent pas du tout la réflexion venir. Elle survient toujours par surprise, au détour d’une phrase.
C’est le genre de nouvelles auxquelles on repense des semaines après, quand le dilemme nous revient en mémoire.
Et si c’est de la science-fiction, son côté humaniste lui donne une portée plus universelle, je trouve.
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