
Titre : Foodistan
Auteur : Ketty Steward
Maison d’édition : Editions Argyll
Genre : Science-Fiction
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Ce n’est un secret pour personne si jamais vous fréquentez ce blog : j’aime beaucoup Ketty Steward en tant qu’autrice mais aussi en tant que conférencière et poétesse et du peu d’échanges que nous avons eus, en tant que personne. C’est comme ça, parfois, on sent des atomes crochus de livres en livres, d’idées en idées. Ce que vous savez peu, par contre, c’est que j’aime aussi beaucoup la maison d’édition Argyll. Toujours en quête de nouveaux récits, beaucoup dans le monde de l’imaginaire, ce sont mes libraires qui me l’ont fait découvrir avec la Cité Diaphane d’Anouck Faure et le Pays de Fantômes de Margaret Killjoys. Vraiment, je ne le dis jamais assez, mais si vous avez la chance d’avoir une bonne librairie indépendante près de chez vous, investissez-la et échangez avec vos libraires, et vous vivrez votre meilleure vie de lecteurices. Ce que vous savez peut-être moins, c’est que j’apprécie beaucoup les formats courts. C’est un peu, selon moi, comme picorer un épisode de série avant de s’endormir, c’est lire une petite nouvelle vite fait à la pause déj ou dans les transports en commun. Ou mieux encore, c’est un vrai havre de paix quand, lors d’une réunion avec des personnes, je me retrouve submergée d’interactions sociales et je me planque pour m’isoler en lisant quelques pages. Alors imaginez que j’apprends que la maison d’édition Argyll crée une collection appelée Récifs qui est une collection de récits courts, mettant en valeur des femmes, le tout illustré par Anouck Faure. Il est évident que j’ai pris toutes leurs sorties (on en reparlera) et que j’ai lu Foodistan avec une extrême gourmandise et, évidemment un haut niveau d’attente parce que lire du Ketty Steward, les ami.e.s, c’est toujours surprenant.
Foodistan, ça raconte quoi ? Nous sommes en France, après une faim dans le monde. Vous n’êtes plus définis par votre statut social mais par votre régime alimentaire. Nous, on suit Maëlle qui est une femme très curieuse à la recherche de sens dans la vie dans le Foodistan et qui part en quête pour peut-être écrire son propre livre de cuisine ?
Si vous vous attendez à un type de récit classique comme le font les trois quarts des écrivains (et ce n’est pas un mal, j’aime beaucoup les types de récit classiques, cela me remplace mes heures d’écran) et bien désolé, mais Foodistan n’est pas pour vous. Du coup, si vous pensiez qu’on allait avoir les folles aventures de Maëlle qui va s’accomplir en écrivant un livre de cuisine… Bah oui, vous allez suivre Maëlle parfois, au gré des pages, mais ce n’est pas cela le plus important. Foodistan, c’est surtout un livre de réflexions, de recettes de cuisine, de vocabulaire de moments de vie, de points de vue.
En fait, l’excuse de la Science-Fiction, (pour moi, la raison d’être de la SF, mais chacun voit ce genre comme il en a envie), c’est de prendre cette hypothèse : Et si on se définissait en fonction de la nourriture, qu’est-ce qui se passe ? Déjà, l’économie capitaliste n’est plus (et ce n’est pas plus mal) et on va changer notre vocabulaire en fonction de cette notion. Bah oui, si vous enlevez le patriarcat et le capitalisme, c’est un peu toute notre société qui va changer, nos mots aussi. Mieux encore, nos mythes changeront, notre manière de voir le monde changera.
C’est tout cela que Ketty Steward va nous faire en moins de 200 pages. Et oui, pas plus, pas moins. Allons, je vous vois venir : un livre de réflexions sur la bouffe, ça va être indigeste. Oui, moi aussi je change de vocabulaire. Et bien non. C’est amusant de lire Foodistan. La lecture semble légère parce qu’on a ces moments avec Maëlle qui évolue dans cette société en se posant des questions sur elle-même, sur sa manière de penser, sur sa manière de voir le monde. Et puis, c’est marrant de voir que ce simple détail change tout. C’est un peu comme s’amuser des incohérences pour nous quand on voyage dans un autre pays. Et puis, Bam ! La réflexion nous tombe dessus : pourquoi c’est important ce que l’on mange. Qu’est-ce que cela dit de nous, de notre milieu ? Comment se confronter aux régimes alimentaires des autres ? Pourquoi mangeons-nous certaines choses ? Et c’est aussi normal de se poser ce genre de questions parce que, il n’y a pas que la nourriture, il y a aussi la manière dont on cuisine et les us et coutumes autour d’un repas.
Et puisqu’on parle de nourriture, parlons des fêtes autour de la nourriture, des émissions de télévision aussi, des recettes de cuisine, de l’art de manger à table, des différentes modes, du vocabulaire, des différentes vies autour d’un plat car les régimes alimentaires changent aussi dans l’Histoire. Et enfin, dernière petite réflexion, qu’est-ce que cela dit d’un pays où tout le monde ne mange pas bien ?
Comme je vous le disais plutôt, j’avais un très haut niveau d’attente concernant Foodistan. Et bien Ketty Steward l’a amplement dépassé. C’est le genre de livre que l’on peut dévorer d’une traite, ou, le picorer de temps en temps, selon votre humeur. Vos réflexions y reviendront, de temps en temps.Et oui, si vous avez envie de faire un dîner à thème, vous aurez aussi de quoi cuisiner. Il y a des histoires, mais pas que. C’est vraiment un livre où vous vous baladerez dedans, où vous vous ouvrirez à plusieurs formes d’écriture. Si vous avez envie de changement, de vous remuer un peu, de vous amuser aussi ou tout simplement de cuisiner, prenez Foodistan. Vous ne serez pas déçus.
Si vous avez aimé Foodistan, vous aimerez peut être :
- Le Futur au pluriel : réparer la science-fiction de Ketty Steward. Ce livre est devenu ma base pour lire la SF autrement. Donc dans un livre qui écrit autrement notre société, il a tout à fait sa place.
- La Maison des feuilles – Mark Z. Danielewski : si vous aimez les récits différents. Et bien, là ce sera totalement différent. Le roman entier est là pour vous dérouter
- Le Meilleur des mondes – Aldous Huxley : Quand on cherche une manière d’analyser un monde qui est en perdition et réfléchir à une manière de réfléchir autrement et bien… C’est un classique dans le genre
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