Les morts posséderont la Terre de Margaret Killjoy

Titre : Les morts posséderont la Terre

Auteur : Margaret Killjoy

Saga : Danielle Cain

Numéro de tome : 2

Maison d’édition : Editions Argyll

Traducteur : Mathieu Prioux

Genre : Science-Fiction

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En octobre dernier, j’ai lu le premier tome de la saga Danielle Cain : l’Agneau égorgera le lion de Margaret Killjoy, édité dans la collection Récifs des éditions Argyll. Je ne vais pas vous refaire ma déclaration d’amour sur cette nouvelle collection, ni sur l’importance de l’œuvre de cette autrice, car je suis persuadée que vous connaissez mes chroniques par cœur. Quand le deuxième tome de la saga est paru, il était évident que j’allais me le procurer et le lire rapidement. Bien entendu , la chronique n’a pas suivi car la vie est ainsi, parfois. Mais, ne vous inquiétez pas car cela m’a aussi permis de méditer dessus. Les Morts possèdent la Terre, ça raconte la cavale de Danielle Cain et de son équipe : Jugement, Vautour Jeudi et Brynn. Ils se retrouvent dans une petite ville du Montana, Pendleton, où il y a une bibliothèque occulte anarchique. Dans cette ville, il y a des habitants qui se prétendent revenus d’entre les morts. Évidemment, notre groupe va enquêter dessus.


La première chose qui me marque dans cette saga, c’est que c’est un format court, des novellas. Ça, c’est un format qui permet une plume directe. Et l’une des particularités de l’écriture de Margaret Killjoy, c’est qu’elle est ancrée dans le présent, mais avec une ouverture vers l’imaginaire. C’est un peu comme lire un épisode de Supernatural et j’aime beaucoup cet aspect. Quant au message que l’on retrouve dans le récit tout en entier, c’est que l’espoir de l’Humanité, c’est dans les marges. L’avenir n’est absolument pas dans le monde d’avant, comme on l’entend souvent dans les discours, mais bien dans ce qui se construit en dehors des cadres.

Dans toute l’œuvre de Margaret Killjoy, on observe surtout de l’expérimentation. Et sur un sujet bien précis : l’anarchie. Et le modèle de société anarchique, l’autrice l’expérimente au quotidien chez elle, ce qui ajoute cette touche de réalité. Ainsi, dans Un Pays de Fantômes, on regarde ce que donne deux systèmes anarchiques dans un pays. Dans l’agneau égorgera le lion, on découvre l’anarchie dans une ville, comment cela fonctionne et comment les autres villes interagissent (ou pas). Ici, on voit comment vit une bibliothèque anarchiste dans une ville qui ne l’est pas et comment les habitants la perçoivent. Ce n’est pas un manifeste ou un programme politique ici. Tout se fait dans l’expérience et la coexistence pour montrer qu’on peut avoir de l’anarchie partout et que ce n’est pas un concept qui doit faire peur, comme c’est souvent présenté. La bibliothèque en devient ainsi un espace de vivre-ensemble, un lieu où les idées circulent librement. D’ailleurs, lorsque nos personnages débarquent en ville, on les oriente très naturellement vers ce lieu.

Et le fait que l’autrice choisisse une librairie comme lieu d’anarchie n’est pas anodin ! Reprenons. Nous sommes dans une bibliothèque qui a des livres de magie et qui est anarchique, donc hors du contrôle de l’État. Or, dans cette enquête, le savoir occulte qui a été pris par un des personnages de manière égoïste est dangereux, alors que le savoir interdit mais qui est géré par la bibliothèque devient un outil d’émancipation. Ainsi, la bibliothèque devient un sanctuaire de toutes les connaissances, qu’elles soient bénéfiques ou non, mais surtout un sanctuaire de mémoire et un laboratoire d’expérimentation. En fait, le message qu’on doit en retenir est double. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises connaissances, c’est la manière dont on l’utilise. Ensuite, le savoir ne doit pas être réprimé par l’Etat. Ça c’est une attaque directe contre l’augmentation croissante de la censure de livres que l’on voit depuis 2021 aux Etats Unis. En effet, dans la réalité contemporaine, les livres qui dérangent les pouvoirs en place, notamment sur les identités queer, les questions raciales, l’histoire coloniale par exemple, sont ciblés pour être retirés. On assiste vraiment à une volonté de contrôler la mémoire collective en imposant ce qu’on a droit de lire, de savoir ou même d’imaginer. Les bibliothèques sont importantes car elles rendent accessibles le savoir pour tous.tes. Mais en restant sous contrôle de l’État, les bibliothèques deviennent des sanctuaires menacés. Et en tant qu’anarchiste, l’occasion devient trop belle pour Margaret Killjoy. La bibliothèque devient ainsi un emblème d’émancipation. Le savoir dit interdit n’est pas un danger pour le peuple : il est un danger pour le pouvoir en place. En fréquentant une bibliothèque, vous aurez accès au savoir, mais vous pourriez le partager puisque c’est un lieu de rencontres. Donc, en protégeant la liberté des bibliothèques, ce n’est pas seulement protéger les livres de la censure, mais bien de défendre la possibilité d’un futur différent.

Autre chose qui m’a frappé dans ce livre, c’est le titre du roman : Les morts possèderont la Terre. Ce titre est en fait une satire politique contre le fameux slogan de Donald Trump : Make America great again. Ne vous inquiétez pas, je vais vous développer tout cela. Ici, nous avons des personnes qui sont revenues à la vie, suite à un rituel magique. Mais ces personnes sont perdues, inadaptées, en décalage, mais elles n’apportent pas vraiment grand-chose. Le passé est important pour apprendre, pour ne pas reproduire certaines erreurs, mais le retour en arrière ne résout rien. Qui plus est, les morts eux-mêmes ne veulent pas revenir à la vie, ce sont les vivants qui le souhaitent. C’est un acte égoïste qui montre surtout la peur du changement. Vous savez ? Un peu comme certains pays qui s’accrochent à une politique de croissance économique qui n’a plus de sens maintenant. Ce que veut vraiment dire Margaret Killjoy dans ce roman, c’est qu’en rêvant sans arrêt d’un avant, en fait, ou attaque ce qui construit un après et ici : le savoir, la culture, la solidarité.

Ce qu’il y a de dingue dans Les Morts possèderont la Terre, c’est qu’on a des tonnes de concepts, mais l’autrice, concrètement, n’est pas là en donneuse de leçons. Elle ne propose pas de solution miracle non plus. Elle est comme nous en lisant ce récit : en pleine expérimentation. Les changements, que ce soit dans le monde, dans une ville ou dans un quartier, ne se font pas du jour au lendemain, d’un coup de baguette magique. Les changements, cela se tisse par les échanges, l’entraide, les tests et l’adaptation. Et parfois, il y aura des loupés comme le montre le premier tome de la saga. Et puis parfois, cela a des effets bénéfiques. Le monde que nous décrit Margaret Killjoy ici n’est ni une utopie ni une dystopie. C’est un monde comme le nôtre, en mouvement et surtout en reconstruction perpétuelle car il y aura toujours des personnes qui refuseront les logiques de domination. Et c’est cela que je trouve magnifique dans son écriture. Et c’est aussi pour cela que cette saga aura toujours une place sur ma table de chevet quand je doute, quand j’ai peur parfois, car oui, le monde réel est effrayant de la manière dont il évolue en ce moment.


Et maintenant, une partie que j’aime de plus en plus dans mes petites chroniques. Que lire si on a aimé Les Morts possèderont la Terre ?

  • En cherchant un peu, je suis tombée sur le synopsis de Le Livre de M de Peng Sheperd. Cela raconte un monde apocalyptique où les souvenirs disparaissent. C’est un roman centré sur les communautés en marge et ici, la mémoire en devient un outil de résistance. Confronter ces deux livres serait très intéressant
  • Des utopies réalistes de Rutger Bregman. C’est un livre de non-fiction qui tente d’appliquer des systèmes utopistes et les appliquer dans l’Histoire.
  • La migration annuelle des nuages de Premee Mohamed qui montre l’importance du savoir et aussi comment évoluer en micro-société.

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3 réponses à « Les morts posséderont la Terre de Margaret Killjoy »

  1. Avatar de mielou35
    mielou35

    Wow, tu réfléchis beaucoup pendant ta lecture, moi je me contente de me laisser porter, je suis totalement passée à côté du parallèle avec la situation actuelle XD

    Mais c’est très bien vu, ça éclaire ma lecture sous un jour nouveau !

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    1. Avatar de Koré

      Non mais je réfléchis après. C’est pour cela que je fais des résumés. Et puis, on va pas se mentir, l’actualité m’ « aide » question points de comparaison

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  2. Avatar de Les Morts posséderont la Terre, Margaret KILLJOY – Le nocher des livres

    […] lectures : Célinedanaë (Au Pays des Cave Trolls) – Le syndrome Quickson – Koré (J’ai un livre pour toi) […]

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