
Titre : Futur au pluriel : Réparer la Science Fiction
Auteurice : Ketty Steward
Maison d’édition : Editions de l’inframonde
Genre : Essai, Science-Fiction
Date de publication : 2023
Où trouver le livre ? Cliquez ici
Pour comprendre pourquoi j’avais précommandé ce livre dès que j’ai eu vent de sa sortie, il va falloir qu’on s’explique un petit peu, vous et moi. Quand on me demande quel est mon genre préféré, je réponds très spontanément : La Science Fiction. Et pourtant, quand on regarde mes spots de lecture, j’avoue qu’on trouve beaucoup de Fantasy, de policier et d’historique. Je trouve que lire de la Science Fiction, c’est exigeant : pas tant dans la difficulté de la lecture car tout le monde peut lire et apprécier de la SF mais c’est le lectorat lui même qui l’est. Déjà, on a affaire à des fans très hardcore : si vous n’avez pas lu tout Fondation, tout Pierre Bordage, si vous n’avez pas en tête toutes les références, vous aurez vite le sentiment de ne pas être légitime. Pire encore, je vous rappelle que je suis une femme d’une quarantaine d’années et je fais partie d’une génération où une femme qui aime de la Science Fiction, ce n’est pas commun, c’est même un peu bizarre. Je ne vous raconte pas les regards incrédules de certains hommes quand je dis que j’ai un avis très tranché sur Dune et même que j’ai compris l’œuvre. Les femmes qui lisent de la SF ont des tonnes d’anecdotes qui vont dans le même sens dès qu’on s’attaque un petit peu aux classiques, vous verrez, c’est un régal.
Mais quand on aime de la Science Fiction et qu’on est une femme, c’est difficile de se retrouver dans ces histoires, surtout dans les classiques et les incontournables. Comme le dit Alice Zeniter dans son essai Je suis une fille sans histoire et recommandé par Futur au pluriel, et c’est encore plus vrai dans la Science Fiction, les récits les plus courants, c’est l’histoire de mecs qui font des trucs. Alors oui, on a parfois de bonnes histoires de femmes qui font des trucs comme Honor Harrington ou Katniss Everdeen. Mais soyons honnêtes deux minutes : on a juste mis un filtre féminin sur un protagoniste aux caractéristiques bien masculines.
Depuis des années maintenant, je suis sur les réseaux une autrice du nom de Ketty Steward. Vous allez me dire : cela tombe bien, tu es en train de nous recommander son essai. D’abord sur X, anciennement Twitter : elle a fait des nanowrimo qui sont maintenant aussi disponibles sur BlueSky et j’avoue que c’est un de mes plaisirs de les lire quand je tombe dessus. Le but ? Écrire sur un mot en un tweet tous les jours. Et puis, je l’ai suivie aussi au travers différentes retranscriptions de conférences sur l’imaginaire. Ce n’est que très récemment que je me bouscule un peu pour aller chercher ses publications qui sont le plus souvent dans ma pile à lire, je n’ai pas à aller chercher bien loin. Et pourtant, Ketty Steward, je l’aime bien, je peux vous recommander ses livres sans même les avoir lus parce que j’ai l’habitude de son écriture.
Je vous rassure, j’ai bien lu Futur au pluriel mais cela fait aussi réfléchir sur comment un.e auteurice peut être reconnu. Comme un Frank Herbert parce qu’il a écrit de grosses pavasses reconnues comme étant des monuments ? Mais si je ne connais pas Dune comme les fans le connaissent, comment je peux vous faire aimer l’écriture de Frank Herbert ? Alors que Ketty Steward, je la connais artistiquement. C’est une scientifique, c’est une artiste, c’est une psychologue. Elle écrit sur les réseaux, elle participe à des entretiens, et oui, à l’heure où je vous fais ma recommandation sur Choixpitre, j’ai lu deux autres livres de cette autrice. Par contre, je peux vous parler pendant deux heures de son style, de son humour, de ses idées et quand elle a sorti son essai que je suis en train de vous vanter, je sais qu’elle va me faire rire, qu’elle va me faire réfléchir et surtout qu’elle va me donner des solutions.
C’est aussi pour cela que je vais vous dire que Futur au pluriel réparer la science Fiction, c’est bien plus qu’un essai sur la SF. Parce que j’ai bien conscience que de vous convaincre de lire un essai sur un genre bien spécifique, je ne ne vais pas en emballer des masses. C’est plus un livre discussion en fait. C’est comme si Ketty Steward vous trouvait comme moi je vous trouve en podcast en fait, et qu’elle vous parlait de Science Fiction, en lâchant un peu les vannes sur le sujet. Sans filtre, à cœur ouvert. et en vous invitant à trouver des solutions.
Parce qu’en littérature et pas seulement en SF selon moi, on a de vrais problèmes et la France les conserve bien. Et là, je rebondis sur ce que j’ai vu dans cet essai. On a une société qui évolue à toute vitesse en ce moment. Or, les têtes d’affiche en littérature sont composées de quoi? Allez voir votre libraire et vous verrez vous même. En majorité d’hommes blancs. Et c’est encore plus flagrant dans la SF. Je vous pose la question tout simplement : Où sont les auteurices femmes, trans, non binaires et racisés ? Car en terme de la population française, on est d’accord qu’elle n’est pas faite de 3/4 d’hommes blancs sinon effectivement, je comprendrai qu’on ait un vrai problème de fertilité et de renouvellement de population. Et le talent de l’écriture, il ne pope pas juste sur ce type de catégories de personnes. Donc la questions est là : Est ce que seules les hommes blancs écrivent ? Je ne pense pas. La véritable constat, c’est que les autres auteurices n’ont pas leur place. Ou ils n’osent pas se lancer dans l’écriture et/ou ne demandent pas à être publiés, ne se sentant pas légitimes ou capables. Ou alors les maison d’édition n’osent pas ou ne veulent pas les publier.
Or, si on conserve la même représentation d’auteurs. Et bien on s’encroute. On continue à publier le même genre de récits. Je vais même plus loin que Ketty Steward sur ce point : on achète moins de livres, ne se reconnaissant pas dans les publications. Alors ? Et bien on peut agir dans les deux sens, bien entendu. Les maison d’édition peuvent promouvoir plus de diversité dans les auteurices mais aussi dans les types de récits, ce qui commence à se faire timidement d’ailleurs. Et nous, bien entendu, nous pouvons acheter plus de livres qui correspondent à nos univers.
Parce que, qu’est ce qui vous dit que le roman est le format qui vous convient ? Et la nouvelle ? Et les récits à plusieurs mains? Et l’audio ? Et les comics, Bd et Webtoons ? Et les tweets (sisi, il y en a de bien), Pourquoi sacraliser le roman à tout prix ? Prenez cet essai. J’ai passé un excellent moment alors que ce n’est pas de la fiction, ni un roman. C’est un essai mais cela ne veut pas dire qu’il n’est pas accessible à tous. Il n’y a pas de mots pour un livre discussion ? Un livre à idées ? Dans l’autre sens, si Ketty Steward a écrit ce roman à la base, c’est parce qu’on lui a encore demandé de travailler sur de l’afrofuturisme. Et je ne vais pas vous mentir, la première conférence où je l’ai écoutée, cela parlait justement de cela. Bordel, elle est diplômée en mathématiques, en science et en psychologie. Elle ne serait pas plus qualifiée de parler, je ne sais pas moi : d’un recueil de poésie sur les enjeux de l’environnement si jamais cela lui fait plaisir ? Où comment écrire un bon recueil de nouvelles ? Ou comment apprendre l’écriture libre ? Peut être même qu’elle vous convaincrait d’écrire un recueil par la même occasion . On sait pas ! Et je vous lance des sujets au pif au mètre, ne lui demandez pas demain matin quand sortira son livre sur les transports en communs en Science Fiction, il n’existe pas. Mais Ketty Steward est autrice depuis 20 ans : pourquoi je ne la vois pas plus en kiosque ! Si elle était une autrice sans talent, on ne lui demanderait pas de participer à des conférences sur la littérature !
Dans son essai, on va aussi parler d’horizons. Et promis, on ne parlera pas de tous les thèmes, sinon ce Choixpitre va être interminable et vous n’aurez plus le temps de lire Futur au pluriel. Il faut arrêter en littérature et dans la vraie vie d’être occidentalocentré. C’est vital dans les deux sens mais pour parler de littérature, parlons un peu de traductions. Il y a des choses merveilleuses qui sont publiées hors Europe et hors Etats Unis mais que les traducteurices soient aussi formés à la culture des auteurices qu’ils traduisent. Oui, c’est plus le cas maintenant qu’il y a 20 ans mais on trouve encore des non sens de folie parce que la personne qui traduit a une vision occidentale. Et pour en parler, l’autrice le fait de manière beaucoup plus ludique et beaucoup plus pertinente mais sachez que depuis que je lis aussi de la Science Fiction asiatique, africaine et sud américaine, je découvre tellement plus de terrain de réflexion que nos bons vieux auteurs français et anglo saxons. Alors brisez les barrières et aventurez vous de temps en temps chez d’autres genres, d’autres contrées, d’autres manières de penser.
On s’arrête là pour le développement des idées car je n’ai fait que gratouiller la surface et mêler mes idées à celles de ce livre. Et oui, ce n’est pas une recommandation habituelle mais plutôt un peu de discussion entre vous et moi, à sens unique pour le moment, mais peut être que cela vous ouvrira une porte et que vous souhaiterai en discuter sur les réseaux ? Sur le discord de Podcut ? Dites vous juste que ce que je viens de vous parler, c’est une vision de ce que j’ai de cet essai maintenant. Mais si dans six mois je le relis (ce qui arrivera peut être, il est toujours sur ma table de chevet), je suis certaine que je peux vous refaire un épisode totalement différent.
Poser des problèmes, faire des constats, c’est bien mais réfléchir, c’est tellement mieux ! Proposer et trouver des alternatives, ce ne serait pas l’idéal ? Si évidemment ! Et Ketty Steward a fait ce que je préfère à la fin de son essai : elle a fait une Koré bien entendu ! En fin de livre, vous avez bien entendu une liste de lecture en SF où vous pourrez agir avec votre portemonnaie. Et vous aurez une liste en différentes catégories comme :
- Des femmes en Science Fiction
- Du queer SF
- Des normalités multiples
- De la SF et des minorités ethniques occidentales
- De la Sf du monde non occidental
- De la science
- Des écritures collectives
- Des inclassables
Avec sa liste, vous trouverez forcément un récit qui vous conviendra. Pour ma part, j’en ai trouve que j’ai lu, d’autres qui sont dans ma pile à lire et d’autres enfin qui seront dans mes prévisions d’achat. C’est une liste qui devrait être diffusées plus souvent et rien que pour elle, pour ce travail là : ce livre mérite d’être acheté ! Et pourtant, vous savez maintenant à quel point j’aime le travail de cette autrice alors qu’est ce que vous attendez ? On en discutera après si vous voulez !
Répondre à Le Nocher des livres Annuler la réponse.