Couverture du livre La dernière tentation de Judas de Philippe Battaglie

Titre : La dernière tentation de Judas

Auteur : Philippe Battaglia

Maison d’édition : L’Atalante

Genre : Thriller

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La couverture était là, tentante, en librairie : colorée, fun, et surtout, ce titre un peu bizarre qui : La tentation de Judas. Intriguée, je regarde et on me souffle à l’oreille : « Imagine que les Apôtres sont devenus immortels et ils sont dans notre époque maintenant. Cela donnerait quoi ? » Autant vous dire que j’avais très envie de le lire. De plus, je ne connaissais pas du tout l’auteur : Philippe Battaglia. Et c’est publié chez l’Atalante.
Et la dernière tentation de Judas, cela raconte quoi ? Judas, Rome, de nos jours est complètement déprimé depuis 2000 ans, depuis qu’il est séparé de Jésus. Sauf qu’un jour, il tombe sur une évangile écrite par Satan qui lui informe que s’il retrouve les 30 deniers de sa trahison, il retrouvera son compagnon. Dans sa quête, il entraine certains des apôtres, se fait poursuivre par d’autres et se fait aider par Marie de Magdala et de Lazare.

Pour comprendre un peu ce livre, il faut d’abord se pencher sur son créateur : Philippe Battaglia

Oui, parce qu’on n’écrit pas un roman comme ceci par hasard. Est-ce qu’on va découvrir qu’il avait des posters de Judas partout dans sa chambre et qu’il se balade constamment avec trente deniers dans la poche ? Non, pas du tout, mais quand on regarde ce qu’a fait Philippe Battaglia dans sa vie, on comprend un petit peu mieux. Il est né en 1981 et il a fait plein de métiers. Il y a 10 ans, on m’aurait dit, dans une discussion au boulot : « Mouais tu sais, ce gars, c’est un slasher. Il est cuisinier, slash vendeur, slash vendeur, slash chroniqueur radio, slash programmateur de festival…. « Et sûrement cette personne aurait longtemps soupiré en disant : « C’est un personnage en soi »

Ce que j’en ai retenu, c’est que j’aurais adoré bosser avec, mais passons. Ce qu’il faut que vous reteniez surtout, c’est que c’est un auteur qui a été nourri de beaucoup d’influences et qui aime jouer avec. Or, l’une des plus grandes influences en Occident, et bien c’est la religion catholique. On ne peut pas y échapper puisque c’est la fondation même de notre calendrier. On pourrait en discuter pendant des heures et je pourrai vous donner des bouquins là-dessus qui montrent que vraiment, ils en ont fait beaucoup en bien et en mal, mais là, on va parler de Philippe Battaglia qui s’est dit : Hey ! On va jouer avec la Bible.

Et pourquoi pas, en vrai. La Bible, c’est quoi ? Selon le dictionnaire, c’est un recueil de textes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Certain.es vont vous dire que c’est sacré et que donc pas touche. Et d’autres vont sûrement prendre ces textes pour ce que c’est : des récits. Parce que, en vrai, la mythologie grecque, c’est un peu pareil. Et pourtant, personne ne s’est gêné pour prendre ces histoires pour en faire des films et autres. Et même l’Ancien et le Nouveau Testament, en fait. La vraie question c’est : mais quel angle Philippe Battaglia va prendre ? Il va prendre le personnage que tout le monde déteste : Judas. Et qu’est-ce qu’on fait depuis 2000 ans ? Eh bien, on le déteste, tous.tes. Alors, imaginez maintenant qu’on l’a devant les yeux? Vous n’auriez pas envie de savoir pourquoi?

Quand l’auteur se saisit de la Bible, il la consacre en œuvre de Pop culture. Et cela nous permet de développer des thèmes forts

Parlons de Judas, notre héros. On a une personne qui a perdu la personne qu’il aimait le plus : Jésus. Et on apprend assez vite qu’il a été manipulé pour faire cette fameuse trahison. Mais il en porte la culpabilité depuis 2000 ans. C’est un apôtre, donc il est capable de faire des miracles et sans fards, sans paillettes, il s’occupe des exclus de Rome. Qu’est-ce que cela dit de Judas ? Ce n’est pas le traître dont on a l’habitude d’entendre parler, mais quelqu’un qui prend soin des autres, alors qu’il n’arrive pas à prendre soin de lui-même. Et en fait, c’est cela qu’il veut que l’on retienne de cette mythologie biblique. Les apôtres étaient des personnes comme tous les autres : des personnes passionnées comme des personnes orgueilleuses, généreuses, drôles. C’était des personnalités comme tout le monde, mais sous la direction bénéfique, certes, mais direction de Jésus. Et si on enlève l’élément fédérateur de ce groupe, et bien ils reviennent vers leur personnalité. Sauf Judas qui garde cette image de Jésus et c’est quand il a cet espoir de le revoir qu’il se sublime à nouveau. Intéressant, non ?

Et puis, grâce à cette transposition des personnages dans notre époque, on peut revisiter les mythes bibliques puisque les personnages sont là pour le raconter. Et ils n’ont pas eu forcément la belle vie après le départ de Jésus. La plupart ont été torturés et tués de manière atroce. Sauf que si on reprend le raisonnement de l’Esprit Saint, et bien… Ils sont immortels. Donc, ils ne peuvent pas mourir. C’était donc bien un enfer sur Terre. Et Lazare, autre personnage qui a été ressuscité, qui a une grande longévité mais qui n’est pas immortel, et bien, il devient un homme qui a peur de la vie, qui la regarde de loin. Est-ce vraiment dire ?

Ensuite, La dernière tentation de Judas met surtout en valeur la marginalité. Car Judas, c’est bien cela : un marginal, soit une personne mise de côté. Alors oui, quand on est surnommé traître ultime depuis 2000 ans. Mais avec qui traîne-t-il depuis : avec les personnes sans domicile fixe qui ont construit une communauté à part dans un entrepôt. Et dont personne ne s’occupe. Il est ami avec Marie de Magdala qui est devenue directrice de maisons de passe. Elle s’occupe des prostituées pour les protéger des hommes tout en leur permettant d’exercer leur métier sans jugement. Grâce à ce livre, on les voit comme des héros et des héroïnes du quotidien, dont le seul fait de vivre est compliqué à cause du système.

Enfin, il n’y a pas plus grande institution que la Bible et la religion catholique. On les rend intouchables malgré toutes les histoires qu’on entend sur eux. Eh bien, Philippe Battaglia, il balance tout cela. On voit que la Bible, c’est un livre. Et que les membres du clergé sont des hommes. Comme tout le monde. Et que les histoires sont des histoires. Pourquoi ne pas s’amuser avec ? Pourquoi ne pas les remettre en question ? Cela se fait très bien puisque regarder ce livre. Et ce n’est pas dénigrant. C’est une certaine réalité. Il faut les désacraliser. Par contre, les humains, il faut les valoriser, peu importe leur position sociale, peu importe leurs choix de vie. Et c’est peut-être cela le message originel de Jésus, non ?

Et Philippe Battaglia s’en sort très bien grâce à son style

C’est amusant, je dois dire, de voir les personnes de la Bible parler comme nous, s’habiller comme nous (enfin à peu près parce qu’il y a des looks un peu particuliers à base de… Non mais lisez, vous saurez). Et mélanger ces images mythiques avec un environnement moderne, ce n’est assez pas si facile. Il faut la bonne dose, il faut de bons dialogues et tourner même parfois, des événements historiques et/ou mythiques dans notre quotidien, c’est un vrai sport.

Et qui plus est, il nous donne par ci par là des références à la pop culture qui m’ont valu des éclats de rire totalement incroyables. Et cela m’a fait penser à une affirmation d’Umberto Eco, figurez-vous. Je vous raconte : imaginez le Pape, le Dalaï Lama qui peuvent consacrer des années à débattre de la question de savoir si Jésus est vraiment le fils de Dieu. Et pourtant, ces deux hommes sont contraints d’admettre en deux secondes que Clark Kent, c’est Superman sans lunettes. Voilà, cela ne sert à rien dans cette chronique, mais moi, cela me fait dire que peut-être, en admettant que la Bible est une œuvre de pop culture, et bien… On aurait peut-être moins de problèmes de religions. Allez savoir !

Bref, vous l’avez compris. On fait beaucoup de mélanges dans ce livre et cela se voit dans le style d’écriture. Mais cela se voit aussi dans notre humeur pendant la lecture. On peut passer par des moments hilarants, des moments complètement absurdes à de moments juste poignants, forts. C’est tout un panel d’émotions qui vous traversent et je ne sais pas vous, mais c’est un peu ce que je recherche dans les livres.

Et alors ? Quel est l’impact de ce livre ?

Eh bien, il a été pas mal reçu en fait. Les magazines et les blogs ainsi que la presse ont salué ce récit. J’ai même eu le loisir et le plaisir d’entendre l’épisode de du podcast Mauvais Genres où l’auteur parle de son livre. Les librairies spécialisées, dont celle que je fréquente (coucou la librairie Les Quatre Chemins), ont tendance à le recommander. C’est d’ailleurs comme cela que j’ai eu ce livre entre les mains. Et oui, je vais vous recommencer mon éternelle litanie, mais pourtant, c’est bien vrai : trouvez-vous une librairie qui vous correspond et si elle existe, vous aurez accès à des recommandations de fifou.

Allez, on arrête les digressions. Mais quelle place a ce livre dans l’univers de l’auteur ? On va commencer par une novella que j’ai trouvée : le Jour des cons, publié en 2012, dans laquelle un anti-héros qui règle ses comptes avec le monde pendant un road trip. On a aussi ce roman graphique qui s’appelle Personne n’aime Simon, publié en 2019, qui me tente juste par son titre et qui à lui seul raconte pas mal l’intrigue. Bah oui, personne ne l’aime. Pourquoi ? Et si on allait le découvrir un jour ? Enfin, il a aussi écrit Astor Pastel et les vilains gamins qui parle d’une petite fille qui partage ses histoires avec les animaux. Et il y en a d’autres, bien entendu, mais cela vous donne un petit panel de ce que l’auteur fait : il s’intéresse à des personnages souvent rejetés, des anti-héros, des personnes à la marge et on ajoute cela un univers assez fun en fait, des univers que l’on peut appréhender car on les connaît. Donc La tentation de Judas n’est pas un ovni, c’est plutôt un livre qui s’accorde totalement avec son univers personnel. Et cela se voit ! Et moi, cela me ravit !

Alors ? Qu’est ce que je pense de la Tentation de Judas ?

J’ai été très enthousiaste par cette lecture. Et comment peut-on le savoir ? Dans ces cas-là, j’ai la tendance de débarquer dans les messageries de mes copaines en proposant un résumé rigolo avec des questionnaires et des réflexions qui n’ont rien à voir (oui, on ne juge pas mon comportement obsessionnel sur mes partages de lecture, vous en bénéficiez aussi en quelque sorte).

C’est un roman de très grande qualité qui peut correspondre à toustes les lecteurices qui sont curieux, qui aiment passer par toutes les gammes d’émotion. Mais aussi à celleux qui aiment les réécritures de mythes et de l’Histoire, tout simplement. Vraiment, vous allez vous amuser avec ce livre tout en explorant plein de concepts.

Que lire après La tentation de Judas ?

  • Le silence des vaincues de Pat Barker, si vous souhaitez repartir sur de la réécriture de mythes.
  • On parle dans La tentation de Judas de transidentités à un moment. Et pour ceux qui viendraient faire nianiania, ce n’est pas du tout historique. J’ai envie de vous recommander Les Genres Fluides de Clovis Maillet qui traite de la transidentité dans l’Histoire, et même au temps de la Bible. Et ouais !
  • Enfin, pour le mélange livre historique et univers un peu fantastique, La reine Sirène de Nghi Vo qui est aussi incroyable.

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Une réponse à « La dernière tentation de Judas »

  1. Avatar de mielou35
    mielou35

    Et hop ! Un livre de plus dans ma liste d’envies ! Tu l’as vraiment bien vendu et le thème est suffisamment original pour ça attire l’œil ! Je croise les doigts pour qu’il soit à la médiathèque, mais j’ai des doutes !
    Comme d’hab, une super chronique ❤️

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