
Ces dernières semaines, nous avons vu l’évolution dans l’écriture de David Catuhe avec sa première saga d’Illuminaria. On a pu voir des présentations de personnages qui s’appuient sur des illustrations avec Légion Zodiaque. Puis, il a développé l’univers et son fonctionnement, toujours en se basant sur des illustrations avec Compendium de magie. Et ainsi, avec ce socle bien solide, il a établi un texte sous forme de novellas pour nous expliquer les origines de son monde avec L’Héritage de Zeus. C’est là la bascule car il y a l’équilibre qui se fait entre les illustrations et le texte. A nous d’imaginer la suite après. L’étape suivante et logique, c’est de produire un roman complet avec cette particularité de remplacer les descriptions écrites par ses illustrations. C’est ce que l’on va regarder avec ce nouveau cycle qui s’appelle les Titans. Le premier tome s’appelle Illuminaria et il est paru début Septembre de cette année. Son titre ? Ménilmonée. Et pour la suite, vous attendrez un petit peu parce qu’il paraît qu’écrire un livre, cela prend longtemps nianiania. Ce que nous allons voir ici, c’est comment on va avoir une certaine rupture avec le cycle précédent puisqu’on va entrer directement dans le récit sans présentation, rien. Mais ce récit va aussi garder les acquis du cycle d’Illuminaria en mêlant science et Fantasy mais aussi en parlant de divinités.
Ménilmonée, cela raconte l’histoire d’une mycomancienne qui préfère explorer la nature et raconter des histoires plutôt que de chercher un amoureux, contrairement à sa meilleure amie, Auréal. Lors de la fête du village, elle discute avec le titan de son village, Tonka, et se rend compte qu’il est fatigué. Le lendemain, celui-ci ne se réveille pas. Ménilmonée et Auréal décide d’enquêter auprès du titan du village voisin pour trouver un remède pour Tunka.
Les Titans sont des animaux géants, un peu comme des gardiens des villages. Ils ont toujours été là et servent un peu de guide pour les villageois. Surtout, ils savent quand une personne peut procéder à l’Elévation, quand on peut retourner à la Mère. Pour cela, les gens partent dans une tour. Donc si un Titan s’éteint, personne ne peut accéder à l’Elévation. Vous voyez l’enjeu ? Tunka est très bienveillant mais on le trouve très vite fatigué. Las. C’est un peu comme si, dans notre roman, on est à la fin d’une période. Si vous voulez un point de comparaison, nous sommes clairement à la veille du retour des elfes sur leur terre dans le Seigneur des Anneaux. Pourtant, les Titans ne sont pas détachés de la population, ils sont impliqués, juste très fatigués. Et c’est triste de voir Tunka s’éteindre car il représente un peu la mémoire du village, il raconte les légendes.
Dans ce monde, la nature est omniprésente. On va voir des golems de mousse, une forêt de champignons, des animaux alliés et doués de réflexion. C’est un univers où on voit des humains et la nature sensés être en symbiose. Mais depuis quelques temps, les Elévations ne se font pas bien. Et les Titans, chargés d’assurer le choix des personnes à élever, disparaissent. Plutôt que de migrer d’un village à l’autre pour garder leur élévation propre, Auréal et Ménilmonée vont plutôt chercher une solution. Et ça, c’est un peu ce qu’il se passe en ce moment dans notre monde, avec l’environnement. Beaucoup de pays déplacent le problème d’un endroit à un autre plutôt que d’agir vraiment.
Et puis, le point central de ce roman, c’est l’alliance de deux jeunes filles qui font preuve tout du long de sororité. Ménilmonée est une guérisseuse, elle assume sa particularité qui est la communication avec les champignons. Auréal, elle, plutôt envie de suivre le mouvement, d’avoir une vie classique dans le village et donc de ne pas revendiquer son don propre qui est la communication avec les animaux. On sait que ces deux amies ont des avis opposés sur la question mais vont-elles se disputer à ce sujet ? Pas du tout ! Elles vont argumenter et présenter leurs points de vue mais jamais elles ne vont s’opposer à ce sujet. Tout comme la volonté d’avoir des enfants. Ménilmonée ne veut pas expérimenter la maternité et ce n’est pas parce qu’elle n’aime pas les enfants, elle s’en occupe très bien dans le village alors qu’Auréal si. Et jamais elles ne pointent cette différence de choix négativement. Elles exposent leurs arguments et leurs points de vue mais c’est tout. On est dans le respect du choix de l’autre. De même, cette sororité qui est selon moi dans le centre de ce récit s’étend sur les autres villages. Au fil de leurs pérégrinations, les deux amies vont aller de villages en villages. Et c’est assez frappant de voir qu’à chaque fois, c’est l’entraide et l’entraide entre femmes qui prévaut à chaque fois. Et enfin, on a des sujets rarement abordés en fantasy qui est la maternité et parfois même le non désir de maternité. Truc de dingue, on parle aussi de cycles et de leur régularité ou non. Vous allez me dire : oui cela fait partie de la vie mais pas beaucoup de personnes en parle, surtout en terme de récits d’aventures dans les livres. On ne sait jamais comment les femmes pendant ces quelques jours du mois alors qu’elles crapahutent en pleine forêt. Ici, David Catuhe en parle au coin d’une page, cela nous donne aussi un indice de temps dans cette aventure et un indice de comment le temps passe dans ce monde. Et cela c’est novateur je trouve.
On a aussi ici un rapport au genre qui est différent dans ce livre. Il n’y a pas de guerre, de combats entre le genre féminin et le genre masculin. Ici, on s’en fiche un peu. Alors, on est pas encore dans le plus du plus qui est une écriture inclusive totale, je vous le concède. Mais ! Aucun homme ici ne va dire à nos deux héroïnes qu’elles ne sont pas assez fortes pour faire l’aventure. On n’a pas non plus d’indication sur le genre des personnes qui sont responsables des villages. De même, les genres des Titans n’est pas forcément évoqués. On sait que la déesse est féminine puisqu’on parle de la mère, mais lorsqu’on parle de certaines entités, cela reste assez flou sur leur genre. On peut imaginer un peu ce que l’on veut. Qu’est ce que cela veut dire ? Et bien, nous avons ici un monde ouvert, plutôt.Où on ne précise pas forcément la sexualité des gens mais aussi leurs genres. De même, on ne précise pas forcément une certaine binarité chez les entités présentes dans ce livre. Cet univers est ouvert à ce sujet. Alors oui, on reste dans un schéma encore classique mais pas forcément traditionnel. Par exemple, à aucun moment nos héroïnes ne sont sexualisées dans leur descriptions. On ne les juge pas non plus en fonction de leur comportement ou de leurs habits. Et cela, je dois dire que c’est extrêmement reposant car ce n’est pas encore la norme dans les romans.
Il y a aussi et surtout des thèmes forts dans ce premier tome. David Catuhe attaque direct dans le dur. On parle de transmission par exemple puisque, au détours d’une scène, Ménilmonée parle de légendes à l’origine de ce monde pour le raconter aux enfants. C’est une culture qui n’a pas l’air écrite mais plutôt basée sur l’oral. Alors que, au fur et à mesure de ce tome, on voit aussi une autre culture basée sur l’écrit mais qui garde jalousement les écrits de sa bibliothèque. De même, ce n’est pas parce que le village de Ménilmonée ne met pas à l’honneur l’écrit que ce sont des personnes assez rustres. Au contraire, mais on met en avant ici le partage des connaissances. Ensuite, on revient ici sur les origines des divinités et on voit comment un récit peut se transformer, comment on peut changer la réalité en ne gardant pas en mémoire les événements du passé. C’est aussi intéressant cette histoire. Parce cela montre bien que lorsqu’on n’a pas accès aux sources d’une histoire, lorsqu’on ne peut pas croiser des sources, et bien on peut très bien avoir de fausses informations. C’est aussi cela l’enjeu de la quête de Ménilmonée et d’Auréal : chercher l’origine des mythes pour trouver des réponses. Et l’auteur ne prend pas cela comme une espèce de revendication mais bien comme allant de soi. C’est le manque d’informations qui crée des problèmes ici.
Et les illustrations alors ? Je pense que David Catuhe a trouvé son petit truc, l’équilibre entre illustrations et le récit. J’avais à peine le temps de me dire au détours d’une page que tiens, j’aimerai bien savoir à quoi cela ressemble ce dont il parle qu’il avait dégainé son illustration. On est plus dans un thème fantasy ici que dans le cycle précédent. On se détache un peu du monde du jeu vidéo pour entrer vraiment dans des illustrations d’ensemble. Allez y jeter un coup d’oeil sur le site de l’auteur si vous vous demandez à quoi cela ressemble mais vraiment, je crois que j’ai passé quelques temps à prendre des illustrations qu’il laisse à disposition pour faire mes fonds d’écran pour cet Automne. Quant au récit, et bien on a gagné en fluidité. Franchement, cela fait plaisir de voir à quel point il devient à l’aise avec le format long. Le rythme est bien posé et cela me rend totalement confiante pour les tomes à venir.
En conclusion, et bien je suis extrêmement enthousiaste sur ce nouveau cycle. Et l’auteur a eu ce petit truc qui nous donne envie de poursuivre l’aventure, alors même qu’il n’y a pas de gros twist final. C’est une évolution dans le récit, tout simplement. Et c’est cela qui est vraiment bien fait.
Aussi, que lire après Ménilmonée ?
- Legends & Lattes de Travis Baldree pour le ton, l’univers où même s’il y a des aventures, en vrai, on prend son temps. Et aussi pour la sororité
- La Moïra d’Henri Loevenbruck pour le côté légendes celtiques, la nature… C’était une des sagas où j’ai recommencé à lire de la fantasy à l’époque. J’en garde un excellent souvenir
- Gidéon la neuvième de Tamsyn Muir pour ce mélange entre fantasy et futur. Et puis c’est l’auteur lui même qui me l’a conseillé. Donc… C’est qu’il est fait aussi pour vous !
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